Au plus profond de la nuit, la lune est la plus claire
Plongée dans l’effervescence écologiste et le sabotage anti-industriel dans les contrées allemandes
Début mars 2024, en plein milieu de la nuit. Près de Berlin, à Grünheide, tout s’arrête au sein de la giga-usine de fabricant de voitures électriques Tesla, récemment implantée au détriment d’une forêt. Les milliers d’ouvriers et d’ingénieurs assistent impuissants à l’arrêt des chaînes de production. En cause ? Le sabotage incendiaire de l’alimentation électrique de l’usine, revendiqué aussitôt par un groupe Volcan, contre le greenwashing du capitalisme et le progrès industriel. Les autorités allemandes et Elon Musk dénoncent les « écoterroristes ». Mais cette action n’est que le dernier épisode d’une escalade offensive contre la société techno-industrielle dans les contrées allemandes.
Au fil des dernières années, du nord au sud et de l’ouest à l’est, le pays d’outre-Rhin a connu une résurgence des « mobilisations pour le climat », des occupations de forêts et de luttes contre des projets industriels tels que l’extraction de charbon, la construction de nouvelles autoroutes ou l’agrandissement de zones industrielles et de ports. Si une critique radicale de la société techno-industrielle surgit et grandit au sein de ces combats qui se heurtent à une répression toujours plus rude de la part de l’État, certaines mobilisations semblent aussi prêter la main au discours de la « transition verte » en appelant à l’exploitation des ressources renouvelables et aux solutions technologiques pour parer aux effondrements écologiques en cours. Mais malgré des tentatives de limiter la portée de l’éveil d’une conscience anti-industrielle et d’une pratique offensive conséquente, de nombreux sabotages ont visé les industries polluantes, les cimenteries, les projets énergétiques, les centres technologiques et les infrastructures énergétiques, logistiques et de télécommunication. Plongeon dans une effervescence inspirante et radicale en cette ère de planète en surchauffe, d’extinction massive et de fuite en avant technologique.
Hydrogène. Le cheval de Troie de la transition énergétique
De nombreux facteurs poussent la société techno-industrielle vers une modification importante de sa production énergétique. Certains ont argumenté que la croissance progresse directement proportionnellement à la disponibilité d’énergies. Plutôt qu’une substitution d’une ressource énergétique par une autre, elles se sont additionnées : l’exploitation du pétrole n’a pas fait disparaître le charbon. Aujourd’hui, au vu des quantités astronomiques d’énergie qu’engloutit la production industrielle, il est totalement inconcevable – sans renoncer à la croissance – d’abandonner certaines ressources énergétiques au profit d’autres. Pour les États et les industriels, il s’agit plutôt de diversifier le mix énergétique afin de pouvoir tirer un profit maximal des caractéristiques particulières des différentes ressources et d’étayer des stratégies géopolitiques. Cette diversification n’est pas nouvelle : elle est au cœur du développement capitaliste depuis le début de l’industrialisation.
Cette continuité dans la course effrénée d’additions énergétiques alimentant l’enfer industriel ne rend pas moins réelle l’actuelle « transition énergétique », c’est-à-dire, la reconfiguration du mix énergétique pour diminuer la part d’énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz). Quelque part, la gravité de la crise écologique (et des effondrements systémiques qui pourraient en découler), la finitude des énergies fossiles et la complexité du nucléaire, a fini par rendre économiquement envisageable et géopolitiquement soutenable l’exploitation d’autres sources énergétiques, comme en témoigne les investissements massifs dans l’éolien, le photovoltaïque et la biomasse.
C’est dans cette optique qu’il faut considérer le lapin blanc de l’hydrogène. Les industriels se font de moins en moins timides à son sujet, et d’autres l’ont d’ores et déjà baptisé « le pétrole du futur ».
En temps d’écocide. Quelques interrogations contemporaines pour l’action anarchiste.
« Il nous met aussi face à nous-mêmes et nous incite à aller à l’air libre. A déterrer la hache de la guerre, à se battre farouchement pour notre liberté, qui est aussi fondamentalement liée à la forêt et aux plantes, aux roches et aux rivières, à d’autres êtres vivants, au climat, bref, à la nature non comme un objet extérieur, mais une force vivante constitutive de notre être qui nous lie avec tout ce qu’il y a autour. C’est cette force-là qui essuie les incessants assauts écocidaires de la société industrielle sans avenir. C’est cette force-là qui se défend, d’une manière ou d’une autre. C’est cette force-là qui nous appelle maintenant à franchir le seuil et à entrer en résistance. »